L'éclosion
L'automne était une saison très attendue sur l'île et pour cause : la procession des fleurs était un moyen pour les filles-fleurs de se mettre en valeur et d’être célébrées. Alors que la nature arbore des nuances d'ocres au fil des jours, tout le monde s'active pour préparer le festival. Les échoppes dans le centre de la vieille ville, souvent des petites épiceries, faisaient des petits gestes commerciaux pour attirer les clients, que ce soit des promotions ou des concours. Pour sa bijouterie, même si Phyllis avait décoré la devanture, elle ne proposait pas ce genre de réductions ou de jeux. Elle préférait faire son beurre au printemps, pendant la saison des amours. C'était bien plus romantique d'offrir un bijou à son amante sous les cerisiers en fleurs… Même si le festival d'automne était une autre occasion de fêter l’amour en marchant dans les allées couvertes de feuilles oranges.
Lors de son premier festival d’automne, Phyllis se heurta à la culture asiatique en découvrant les différentes traditions comme les activités festives, les différentes parures, mais surtout la musique. Le cœur de la fête battait au rythme des musiciennes avec leurs shamisens et taikos, noms des instruments qu’elle apprit au cours d’une discussion avec l’une des artistes. Elle n’était d’ailleurs pas habillée comme il fallait, ayant pris une robe de soirée plutôt que le traditionnel kimono. Choix qu’elle regretta rapidement, car elle sortait du lot, mais pas comme elle le désirait… L'ipomée due trouver un moyen de se changer, sur place. Heureusement pour elle, certaines boutiques proposent des tenues prêtes-à-porter pour celles qui oublieraient leur kimono…
Depuis, Phyllis prévoit toujours à l'avance son kimono, sélectionnant avec soin les tissus, la forme et les broderies sur son futur vêtement, même s'il s'agit d'un kimono qu'elle ne portera qu'une fois, tout le long du festival ! Cette année, elle avait opté pour un kimono bleu ciel, aux broderies en forme de nuage blancs. La subtilité se trouvaot dans la forme de sa tenue, bien que traditionnelle, elle ne portait pas le kimono comme il fallait, offrant aux yeux de toutes ses épaules dénudées et le haut de sa poitrine. Une simple ceinture en soie rose faisant le tour de sa taille. Ses jambes pâles étaient visibles à chaque pas qu'elle faisait, dévoilant des tapis en coton épaisse d'un blanc éclatant. Pour compléter sa tenue, elle porte de traditionnelles geta laqués de noires, lui donnant quelques centimètres de plus. Phyllis ne sortait jamais sans bijoux, sa broche en forme de cœur reposait dans ses cheveux, son cou uniquement habillé d'un collier ras du cou en soie du même rose pâle que sa ceinture, une perle nacrée reposant au centre de ce bijou simple allait de pair avec les perles qui lui servait de bouche d'oreilles.
Phyllis marchait dans les rues, la tête haute comme à son habitude, avec un léger sourire aux bords des lèvres. Malgré son air hautain, la fille-fleur n'aspirait qu'à une seule chose pendant le festival : s'amuser et faire de nouvelles rencontres. Aux bruits du festival, s'ajoutent les odeurs de la nourriture, mais aussi celles des filles-fleurs, il était parfois impossible d’ignorer les senteurs florales d’une femme prête à éclore ou entamant déjà son cycle d’éclosion. Si elle avait pu assouvir sa soif et son appétit en mangeant et en buvant dans les différents stands, une autre envie embrasait lentement son corps, provoqué par les différents parfums des filles en fleurs. La Française se dirigea vers l’une des maisons closes, rejoignant une petite foule de badauds qui regardaient danser les belles-de-nuit. Chacune était habillée d’un kimono mettant en valeur leurs atouts, aux différentes couleurs et coupes. Certaines s’offraient en spectacle en danses lascives, d’autres racolaient les spectatrices de manière aguicheuse.
L’ipomée bleue posa son regard sur une jeune fille au kimono écarlate, elle n’était pas la seule à regarder cette délicate tête blonde qui virevoltait, à la fois innocente et sensuelle dans ses gestes, bien loin de la danse traditionnelle de ses consœurs. Le vêtement qu’elle portait laissait voir, au rythme de ses mouvements, sa peau ornée de rameaux de fleurs. De là où elle était, Phyllis était incapable d’identifier les fleurs, elle joua alors des coudes pour se rapprocher de la scène improvisée. La joaillière observa encore quelques minutes la danse de la jeune femme, hésitant un instant. S’agissait-il d’une spectatrice voulant rejoindre les danseuses devant la maison close ou bien était-elle une employée de cette même maison ? Le destin de beaucoup de filles-fleurs était réservé à ce genre d’activité à cause de leur nature, mais la blonde avait l’air si jeune… Habituée de ce genre de service, elle s’avança vers la jeune flamboyante pour être assez proche d’elle avant de lui tendre sa main, soufflant délicatement :
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Désirez-vous une partenaire de danse ?Son regard était planté dans celui tout aussi bleu de la jeune danseuse, ne voulant pas l’offusquer au cas où elle serait réellement une spectatrice et non une employée.